2025 : Vers un retour de la trap ?

18 septembre 2025

Dix ans après sa première vague de popularité, la trap semble connaître une renaissance en France après avoir laissé la place à d'autres sous-genres du rap au début des années 2020. Cependant, un ensemble de jeunes rappeurs se réapproprie la trap, la réactualise et la réinvente afin de lui donner un nouveau souffle.

2015 : la première vague

Gradur nous avait prévenu, l'année 2015 a été particulièrement bonne.

En 2015, une période très particulière se déroulait dans le rap français qui fait que cette année est surnommée le deuxième âge d'or du rap français. Cette nouvelle ère bénie va être marquée par un sous-genre particulier : la trap. Cette année est considérée comme spéciale pour l'enchaînement de projets de qualités qui sont sortis sur ce court laps de temps. (Le Monde Chico, My World, Nero Nemesis...). De plus, un nombre important de rappeurs devenus par la suite des superstars se sont imposés aux yeux du grand public, tel que SCH avec son classique A7 ou encore Gradur dont la carrière explose en seulement une année avec la série de freestyles Sheguey.

La trap, sous-genre du rap originaire du sud des États-Unis, est une musique caractérisée par ses sonorités façonnées par l'utilisation des 808s, mais aussi par tout un imaginaire, celui de la "traphouse" et de son atmosphère criminogène. Le style arrive en France au tournant des années 2010, et commence par être adopté par les plus grands noms de la scène dont La Fouine et Booba.

La trap connaîtra son apogée en France dans la seconde moitié des années 2010, à peu près à la même période que celle de la trap d'Atlanta outre-Atlantique portée par de nombreux noms comme Future et Young Thug. Les rappeurs français se réapproprient à leur manière la trap, que ce soit en adaptant les sonorités ou en transformant l'imagerie de la traphouse qui n'existe pas en France, le plus significatif étant MHD qui réinvente totalement la trap avec l'afrotrap, mélange de trap et d'afrobeat.

Therapy écoute beaucoup de trap, Zaz écoute beaucoup de trap... On a progressé ensemble

Même les rappeurs qui ne sont pas forcément associés au sous-genre vont être influencés par la trap, que ce soit de manière volontaire ou non. PNL, bien qu'ils soient les visages du cloud rap en France, ont des sonorités trap sur leurs deux premiers albums justement sortis en 2015. Alpha Wann, plus habitué du boom bap, sort la Don Dada Mixtape Vol.1 en 2020, qui fait une part belle au genre en invitant les iconiques Kaaris et Kalash Criminel. L'écurie Don Dada va d'ailleurs avoir son rôle à jouer dans la renaissance de la trap : l'un des fondateurs du label, Hologram Lo', va réaliser un album en commun, Replica 2, avec Huntrill qui veut renouveler le genre comme l'indique le titre de son projet Nouvelle Trap 2, dont une partie importante des prods est concoctée par le membre de Don Dada.

2025 : Les nouveaux trappeurs font entendre leur voix

Le genre n'était plus au centre de l'attention au début de la décennie, laissant la place à d'autres sous-genres. Les traphouses d'Atlanta ont disparues pour laisser place aux banlieues londoniennes de la drill, tandis que les sonorités planantes du cloud ont été préférées à celles de la 808.

Cette disparition de la trap a tout de même laissé un vide et la nostalgie a fini par apparaître. Les messages du type « ça pue la trap 2015/2017 en mode XXL Freshmen » pour décrire certains morceaux ou freestyles sont apparus sur les réseaux, bien que souvent ironique, ces messages montrent la marque qu'a laissé le style sur le public et les bons souvenirs qu'il peut susciter. Les trappeurs de l'ancienne génération sont d'ailleurs conscients du désir du public pour ce genre de musique. Kaaris a fait une tournée à travers la France à l'occasion des 10 ans d'Or Noir, album porte-étendard de la trap, au cours de laquelle il remplira deux Accor Hotel Arena. XVBarbar, un des groupes mythiques de la trap de 2015, se retrouve ponctuellement sur scène, six ans après leur dernière sortie, afin d'offrir des performances survoltées à leurs fans.

Cependant depuis maintenant un peu plus d'un an une nouvelle scène trap émerge en France et connaît un succès auprès du public. Une partie va d'ailleurs assumer totalement l'héritage qu'ils ont en main. L'un des phares de la nouvelle génération du rap en France, La Fève, fait un immense hommage au rap du sud des USA dont fait partie la trap d'Atlanta avec son album 24¸ où il collabore avec Zaythoven sur plusieurs morceaux, un producteur ayant façonné le son de la trap par son travail avec Gucci Mane dans les années 2000. Il pousse l'hommage jusqu'à clipper dans un strip-club en Géorgie pour révéler son album, à l'image des Migos qui ont commencé leur carrière en ces lieux.

Ouais c'est la trap ici

L'influence de la trap est criée haut et fort par ces artistes et revendiquée dans leurs lyrics. Cette génération est d'ailleurs adoubée par les plus vieux trappeurs français comme Leto qui invite à la fois Kaaris, mais aussi La Mano 1.9 et JKSN qui sont arrivés plus récemment sur « Enlève tes pes-sa ». Dans le sens inverse, les plus jeunes veulent aussi rendre hommage à leur influence en collaborant avec leurs inspirations à la manière d'Implaccable, dont la musique penche plus vers la Jersey drill, qui assume l'influence des plus anciens trappeurs en mettant à l'honneur Black D du XVBarbar dans « D Bla m'a accueilli à PSO ».

TH à la Cigale, par Preston Mayers

Loin de copier leurs prédécesseurs, ils se réapproprient totalement le style. L'exemple le plus parlant est celui de TH, qui comme MHD avant lui, a inventé son propre style de trap avec l'E-Trap qui mélange les codes de la trap classique au niveau des percussions en y ajoutant de nombreux éléments électroniques et en posant de manière novatrice sur ces prods avec des flows pouvant se rapprocher du spoken word par moment. De plus, les nouveaux trappeurs s'inspirent au-delà de la trap française : dans la scène lilloise dont les principaux représentants sont Gapman et Dafliky, la trap est réactualisée, mettant en avant une influence américaine plus que française. L'imagerie d'ailleurs se renouvelle aussi : le dealer, figure traditionnelle du business et de l'illégalité du rap français, est maintenant concurrencé par le scammeur dans les textes des nouveaux trappeurs.

Cette résurgence peut s'expliquer par plusieurs facteurs : lors de leur naissance en tant qu'artistes, la trap était hégémonique. Naturellement, à l'image de la résurgence boom bap des années 2010 faite par des rappeurs nés dans les années 90, ils reproduisent et se réapproprient les sons qu'ils connaissent et qui étaient majoritaires dans leur jeunesse tout en les réactualisant. Cela fut d'ailleurs le cas pour la naissance de la trap aux États-Unis qui est une réappropriation des sonorités d'Atlanta et de Memphis des années 1990. TH, gros nom de cette nouvelle vague trap a débuté sa carrière en 2017, une période où la norme du rap était la trap, ce qui explique que ses morceaux en soient autant influencés.

L'essence de ma musique, c'est la trap

Zoomy, rappeur proposant un son entre rap et musique électronique assume d'ailleurs totalement cela dans son processus créatif, alors qu'une large partie de sa discographie peut être considérée comme hors de ce genre.

Cependant, il est intéressant de noter que la trap n'a jamais vraiment disparu en France. Elle était toujours bien présente au début des années 2020, mais en se cachant derrière d'autres sous-genres du rap qui ont directement émergé de la trap. La drill, malgré un style de beat différent notamment sur les drums, restait très influencé par la trap en France. La vague DMV et ses flows monotones ayant balayé l'underground à partir de 2021, se faisait originellement sur des prods trap. Ce mélange de genre permet d'ailleurs un renouvellement du genre, permettant aux artistes d'aller puiser de l'inspiration dans d'autres sonorités.

Une influence de la trap présente même dans les covers, comme celle de MPM de 63OG, par 1199.fm

Il est encore trop tôt pour savoir si ce renouveau du genre aura une aussi forte popularité que la vague que nous avons connue dix ans auparavant. De plus, ce nouvel essor de la trap est très différent du premier. Il y a dix ans, la trap était un nouveau son, ce qui n'est plus le cas aujourd'hui. Les artistes en quête de nouveauté ne se cantonnent plus aux codes classiques de la trap mais vont la mélanger avec d'autres influences. Cela permet de se différencier des prédécesseurs et de rester authentiques pour les artistes qui ne sont pas seulement touchés par ce sous-genre. Cette démarche permet de redonner un nouveau souffle à la trap tout en osant des expérimentations musicales autour de cette dernière, les nouveaux trappeurs ne se satisfont donc pas de copier une musicalité plus ancienne en jouant sur la nostalgie mais au contraire en repoussant les limites du genre.

Sources :

Kaaris : « Les compromis, ça n'existe pas » : https://www.abcdrduson.com/interviews/kaaris/, [consulté le 20/07/2025].

Zoomy : « Je veux être le plus gros rappeur Français de l'Histoire », Mosaïque : https://mosaiquemagazine.fr/blogs/articles/interview-zoomy-je-veux-etre-le-plus-gros-rappeur-francais-de-l-histoire, [consulté le 22/04/2025].